Le vice-président exécutif de Labplas affirme d’emblée : « on passe en entrevue tout autant qu’on est passé en entrevue ». À travers son humour et son ouverture, on en déduit que Benoit Brouillette possède une nature joueuse. En sa présence, on se sent rapidement en confiance, comme protégé par un cadre de discussion sans jugement.
Benoit a été coordinateur qualité et directeur adjoint pour Labplas, avant d’y être nommé directeur général et vice-président exécutif. Le contrôle de la qualité dans l’industrie de la conception et de la fabrication d’outils d’échantillonnages stériles destinés aux marchés pharmaceutique et agroalimentaire est d’une rigueur absolue. Cela prend beaucoup de soin. Pourtant, avec Benoit Brouillette, cela n’exclut pas les notions d’originalité et de plaisir.
Son humour créatif et ses questions tout aussi hors-normes surprennent toujours pour le mieux. Comment en est-il arrivé à demander lors d’un entretien d’embauche : « Si tu avais une baguette magique, que ferais-tu ? » ? La raison en est bien simple. Par cette question aux apparences fantaisistes, on apprend subtilement les aspirations profondes de son interlocuteur.
Dans la même veine, un autre de ses classiques est de demander le choix de « vos quatre compagnons idéals lors d’une apocalypse de zombie ? ». Par cette interrogation imaginative, Benoit cherche à voir les motivations sous-entendues dans le choix des équipiers et la vision d’une « équipe idéale » qui s’en dégage. Par la fiction et le ludisme, il tente de dévoiler plus facilement le réel. La personne en entrevue doit alors justifier ses choix avec des valeurs importantes à ses yeux et donne ainsi une idée de son fonctionnement dans un cadre de collaboration professionnelle. Avec Benoit, le jeu est toujours d’une grande pertinence.
Apprendre la gestion d’entreprise grandeur nature
Benoit est détenteur d’un baccalauréat en administration des affaires avec une spécialisation en commerce international du HEC et d’une formation en gestion de l’école d’Entrepreneurship de Beauce, mais une large partie de sa philosophie de gestion se forme durant ses années d’étude universitaire en psychologie et son adolescence. Un intérêt premier pour comprendre les gens et leur perception se dégage de chacune de ses paroles.
Benoit révèle qu’il a « administré » (il fait des guillemets avec ses doigts) un camp de jour et de fêtes d’enfants en animant des Grandeurs Natures (GN) dans un champ agricole de l’âge de 15 à 19 ans.
Sa passion pour Donjon & Dragon, son imaginaire riche et son sens de l’initiative ont su porter les coups critiques pour mener à la construction épique d’un village médiéval et de reconstitutions de batailles avec des chevaux. Pour arriver au bout de son récit initiatique en tant que leader, son projet de jeux de rôles en Grandeur Nature, Benoit a dû demander du renfort à son entourage. À mesure que son GN prend de l’ampleur, il se voit dans l’obligation de créer véritablement de l’emploi pour l’animation, de gérer des bénévoles et une clientèle exigeante d’une centaine d’enfants à son apogée.
Au-delà de ce projet haut en couleur et de son succès populaire, c’est une école extraordinaire pour ce futur gestionnaire émérite. Il y développe sa pensée sur le travail d’équipe, sa ligne de conduite et l’originalité de sa vision. Malheureusement, la comptabilité et la rigueur de cette grande aventure ne se situent pas encore au niveau de ses ambitions. On l’informe que le terrain où est bâti son village se révèle être une terre protégée. À contrecœur, il doit donc cesser ses activités et démonter le village de ses rêves, le tout dans une dernière célébration de feu et de joie, à la hauteur de l’aventure. Ce fut une expérience formatrice. Il en retient d’abord que chaque jeu à ses règles. Puis, il en garde une initiative et une audace à toute épreuve.
Vaincre le syndrome de l’imposteur par le jeu
Après avoir déclaré avec un sourire bienveillant « selon moi, la vie commence à la limite de notre zone de confort », Benoit raconte avoir vécu en Chine durant sa jeune vingtaine sur un coup de tête après avoir tiré son destin sur une pièce de 25 sous à pile ou face.
« Je savais que je partais, mais j’ai tiré au sort, juste pour être certain ! »
Dans cette contrée dépaysante, pendant trois ans, il a été à la tête d’une petite équipe de marketing pour passer dans une seconde compagnie à la tête de l’approvisionnement d’un grand groupe italien. Très rapidement, il devient le numéro deux par sa créativité et sa débrouillardise. Benoit Brouillette évoque le syndrome de l’imposteur qu’il a dû combattre lors de cette période et de beaucoup d’autres. Il confie l’importance d’assumer son rôle, d’être conscient des perceptions et de parfois jouer le jeu.
La désormais célèbre phrase « fake it until you make it », « fais semblant jusqu’à ce que tu y arrives réellement » vient en tête. Selon Benoit, cette phrase n’est pas dénuée de bon sens.
Pour lui, c’est en jouant qu’on devient ce que l’on joue. Sans cette audace initiale, cette volonté d’embrasser un rôle et de le vivre avec ouverture, il s’avère ardu de sortir de sa zone de confort et d’accueillir la nouveauté. Selon Benoit, c’est en se donnant la liberté d’explorer son rôle en le jouant à fond dans une entreprise qu’on découvre le véritable « why », ce « pourquoi » si cher à notre génération. À l’instar d’un comédien, l’employé-joueur découvre une nouvelle facette de sa personnalité par le jeu. À force de répéter une tâche et de répondre aux habitudes propres à son rôle, on change. Cela développe une série de compétences, de réflexes et de précognition impossible à qui ne se prête pas au jeu. Cette approche ludique du travail permet la performance sans effort.
Créer un environnement positif
Benoit parle de la peur, il l’appelle « l’ennemi de l’innovation ». Au cours de plus de dix années dans l’industrie manufacturière, le jeune directeur général a vu à l’international, mais aussi au Québec, des gestionnaires dont le pilier motivationnel est la peur.
Il explique que cela bloque l’innovation. Pour lui, « les gens sont d’abord motivés positivement par les gens eux-mêmes, l’entourage direct ». Sa méthode consiste à créer un contexte cognitif positif afin que tous puissent y puiser les éléments motivationnels nécessaires. Il sait qu’apprendre fait toujours mal à l’ego et demande de l’énergie. C’est pour cela que l’environnement doit offrir ce filet de sécurité et cette dose d’encouragement essentiel à une saine responsabilisation de l’employé.
Sans ça, le syndrome de l’imposteur et la peur de l’échec paralysent. Il faut rendre ses employés bons joueurs en les faisant évoluer dans un cadre contrôlé pour leur offrir la liberté d’apprendre. Benoit désigne cela par l’expression « créer un bel effet de communauté ». Comme un bon maître du jeu lors d’une partie de Donjon & Dragon, le bon gestionnaire doit s’assurer de la « validité de l’environnement » pour offrir la meilleure expérience à ses joueurs et ainsi obtenir le meilleur d’eux-mêmes.
À cet effet, le choix de ses employés, des membres du jeu, est crucial. Quand un travailleur se sent entouré, soutenu et respecté, il en tire l’énergie nécessaire pour partir chercher du nouveau hors de sa zone de confort.
Ne pas se donner le choix de connaître
À cet effet, Benoit préconise « de ne pas se donner le choix pour apprendre ».
« C’est dans la rivière qu’on apprend le mieux à nager ».
Son voyage en Chine en est un exemple. Pour lui, rien de mieux pour comprendre une situation que de se plonger dedans et de se donner l’objectif de la maîtriser, de la prendre comme une aventure. Cette force de la situation exerce une pression positive dans un environnement dont le leadership se fonde sur le bien-être. Rien de plus satisfaisant que de se voir évoluer au fil des obstacles aux côtés d’une équipe axée sur les solutions.
Lutter contre la résistance au changement
À travers ses interrogations, on perçoit rapidement un fort intérêt pour la multidisciplinarité et l’innovation.
Après tout, il est aux commandes d’une entreprise établie qui exporte dans plus de 65 pays autour du globe. Benoit voit le progrès technologique comme un facteur d’embauche, pas l’inverse. À son avis, il permet une plus grande production et développe des emplois plus intéressants. Il garantit d’ailleurs à son personnel que la technologie ne mettra fin à aucun emploi chez lui, mais produira au contraire des opportunités par la transformation et la création de nouveaux postes.
Pour Benoit, un gestionnaire doit être de parole, quelqu’un apte à faire des déclarations claires et à tenir le cap de celles-ci dans le tumulte de l’action. Benoit affirme que c’est la meilleure façon de faire accepter le changement, être clair sur ses décisions futures et « tenir ses promesses ». Ce parie pris avec les employés n’est pas un jeu sans prix, il implique des responsabilités. Un gestionnaire fait de chaque promesse un signal fort de sa personnalité. Il ne faut pas prendre ce rôle à la légère, célébrer ses succès et accepter ses échecs ensemble. Jeu de rôle oui, mais avec des enjeux importants.
« Quel serait le titre de votre autobiographie ? »
Avec son style hors du commun, la dernière question que Benoit aime beaucoup poser en entretien d’embauche est : « quel serait le titre de votre autobiographie ? ». Bref, qu’est-ce qui résume le mieux la vie et les objectifs futurs de son interlocuteur ? Cela le ramène à la façon de définir son identité.
Quand on lui retourne sa question de prédilection, après avoir réfléchi un instant, Benoit répond avec un sourire en coin :
« Le directeur qui veut jouer ».
Il explique alors comment son approche créative l’a aidé à construire une entreprise prospère et une équipe de collaborateurs motivés. Il insiste sur le fait que l’on peut allier rigueur professionnelle et plaisir au travail, et que c’est en osant sortir des sentiers battus que l’on peut atteindre des résultats surprenants.
Benoit Brouillette est confortable dans le défi. À travers ses réponses, on découvre une personne consciente de sa posture et des grands rôles qu’il occupe avec le désir de se dépasser en communauté.
Comments