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  • Photo du rédacteurStéphanie Côté Mongrain

Trouver l’âme de son entreprise

Quand on pense aux grands récits de succession familiale, certains aiment à dire : « Le fruit n’est pas tombé loin de l’arbre ». Quant à lui, lecteur vorace et créatif tout en discrétion, Raymond Bisson préfère se référer à une lecture de son enfance peuplée d’irréductibles Gaulois : « À l’instar d’Obélix, je suis tombé très jeune dans la potion magique! ». Par « potion magique », Raymond, maintenant Président et actionnaire majoritaire de l’entreprise à succès Bisson Expert, fait référence au monde entrepreneurial, plus exactement celui de la construction.


Lui-même fils d’entrepreneur dans un Québec post Seconde Guerre mondiale, son père, Roger Bisson débute en entreprise avec une sixième année, 300$ en poche et une faim incalculable de réussir. En 1955, il fonde Roger Bisson inc. : une entreprise possédant la force de travail de 30 hommes et une expertise prisée en « transport de bâtisses » comme on le dit à l’époque. Troisième chaînon de cette dynastie de bâtisseurs, le petit Raymond grandit au milieu des chantiers et des écriteaux « Roger Bisson inc. », où il voit le nom paternel défiler le long des rues en partant en autobus vers l’école et en revenant à la maison au dépanneur du coin. Le Raymond écolier en vient presque « à en être tanné », raconte-t-il avec un soupçon d’humour bon enfant dans la voix. Néanmoins, une chose est certaine : il a hérité de la faim pour la réussite de son père.


Une vocation entrepreneuriale


Très jeune, Raymond se décrit, non sans un ton empreint de compassion et d’une lointaine nostalgie, comme un « ti-cul introverti, gêné, avec une forme de rage intérieure à l’idée de construire quelque chose et de prouver sa valeur le plus tôt possible ». Il ressent en lui ce qu’il dénomme : « l’appel des affaires, un sentiment au-delà des mots, quelque chose qu’on doit éprouver pareil à une émotion, une vocation ». Or, aussitôt qu’il entend son père mentionner la vente de son entreprise à sa retraite, cela confère donc à Bisson fils la force de caractère et la détermination de déclarer tout jeune homme: « Papa, donne-moi dix ans et je vais acheter ton entreprise. ».


Après 45 ans de labeur et d’accomplissements, Bisson père, d’abord enclin au rire de bon cœur et aux refus raisonnés devant la proposition audacieuse de son fils, se résout à vendre Roger Bisson inc. et à assurer la transition de sa direction aux mains d’un Raymond de 28 ans. De nature idéaliste et ne supportant pas l’échec, le jeune Raymond prend la tâche à bras le corps.


L’échec, une opportunité en or de découvrir ses forces


Fidèle à un modèle entrepreneurial classique de cette ère, il devient « un opérateur multidisciplinaire et un gestionnaire sur tous les fronts, un one-man-show ». Aujourd’hui, un Raymond parvenu à maturité se remémore cette phase de sa vie avec une douceur pleine de distance et une analyse très critique envers l’entrepreneur qu’il était. Au seuil de sa trentaine et avec deux enfants, dès le commencement de son parcours, il doit faire face à un constat de faillite de son entreprise. La concurrence est rude. Les taux d’intérêt atteignent les 18%! Est-il à la hauteur? Pourtant c’est grâce à cette « adversité » et à cette « misère » que Raymond trouve la motivation de changer et de « renouveler sa business ». Il insiste sur la puissance de l’échec en tant que moteur de changement, mais aussi comme tremplin de ses qualités d’entrepreneur. Raymond confie que les périodes difficiles stimulent notre courage et nous obligent à être visionnaires, sinon accepter l’avenir s’avère impossible. Ainsi, ce premier échec lui apprend ce qu’il juge 37 ans plus tard comme la leçon centrale de cette époque: « aller chercher de l’aide ».


Apprendre à lire son intériorité et celui des autres


Victime de son tempérament réservé, Raymond assume tout seul les revers de sa fortune dans un premier temps. Il revient aux sources. Il cherche d’abord de l’aide dans les livres. Encore à ce jour, pour lui, afin de répondre à une soif continuelle d’apprendre et de se perfectionner, « rien ne bat la lecture ». Le jeune entrepreneur se plonge dans les ouvrages sur son domaine et la psychologie humaine plus profondément en quête de solutions, mais surtout de modèles.


Autodidacte, en parallèle de son activité professionnelle, en 25 ans, il estime avoir lu plus de 250 livres. Cette activité lui fournit l’inspiration nécessaire à la reconstruction de son entreprise et de sa personne à travers les modèles du passé. Il travaille beaucoup sur lui, car : « l’environnement ne sera jamais plus grand que la personne à son origine ». Il se découvre INFG dans les types de personnalité Myers Briggs (Myers-Briggs Personality Type Indicator) par exemple. Il se positionne toujours comme l’avocat d’une cause qu’il sent incompris. Cela le confine à une forme de solitude. Raymond sait dès lors qu’il lui faut impérativement combattre ce réflexe et bonifier une vertu clé en entreprise : « l’intelligence relationnelle ». Travailler sur soi, c’est travailler avec les autres.


« Devenir dispensable », un cheminement indispensable


Suite à ce moment marqué par une intense introspection, Raymond repense les fondements de Bisson Expert, une entreprise selon ses nouvelles convictions. Il entame son retour en puissance avec un « ménage sans compromis » de ses « valeurs », de son « personnel » et de « ses méthodes de travail ». Il développe une forte écoute intuitive. Possédant déjà une intuition fine, il perfectionne son oreille. Pendant une conversation, son égo démissionne. Il n’écoute plus pour s’entendre, mais pour comprendre. Il répond avec « peu de mots, mais des mots qui portent ».


Il s’entoure de « gens plus forts que lui sur une multitude d’aspects ». Il détecte la « faim de réussir » chez les autres. Avec bienveillance, il cherche leurs qualités et leurs défauts. Raymond se métamorphose peu à peu d’un « one-man show » à un « prospecteur de talent ». Il réalise qu’il faut maximiser les talents et minimiser les lacunes en donnant le bon poste à la bonne personne.


Sa mission de vie est désormais claire :

« faire découvrir leur potentiel aux gens et les aider à se dépasser au-delà de leur propre pronostic ».

Cela consiste à « exploiter les talents au lieu de mettre l’accent sur les lacunes ». Cela demande d’être concret et courageux dans ses décisions. À ce sujet, Raymond confesse un jour « qu’un employé l’a même remercié personnellement après un changement de poste ». Raymond met donc l’ensemble de ses efforts dans une ligne directrice : « devenir dispensable à sa propre équipe ». Cela lui permet de se concentrer sur ce qu’il appelle l’âme de l’entreprise; c’est-à-dire avoir une opinion sur tout, être impliqué dans tout et transmettre son style aux décisions tout en déléguant avec art afin que les projets avancent sans lui. Il est donc indispensable d’être dispensable pour réellement trouver l’âme de son entreprise. Le « one-man show » est bel et bien mort, mais son âme trouve davantage de force incarnée au cœur d’une équipe. Il aime l’idée de se distancier, mais sans se désengager.


Les piliers pour un leadership au long souffle


Comme le dit Raymond Bisson même si « la perfection paralyse », quand « un travail mérite d’être fait, il mérite d’être bien fait ». L’entreprise doit conserver ses valeurs, son histoire et sa personnalité pour ne pas se perdre en cours de route. Bref, elle doit préserver son « âme » à travers le filtre décisionnel de son président. Ce dernier doit maintenir au fil des ans le courage et le discernement de prioriser l’entreprise avant les individus. Selon Raymond : « On sert l’entreprise, le reste vient après. ». Il suggère à cet effet de se concentrer sur « une chose à la fois » et de toujours avoir un « but concret » derrière chaque réunion et chaque directive.


Après plus de 32 ans en affaire, Raymond réitère que le leadership exige d’avoir « une vision, d’être vrai, d’être crédible et de pouvoir mobiliser ». Il suggère de suivre son intuition avec une oreille attentive tout en faisant la part des choses. D’une voix calme et confiante, Raymond Bisson est fier de dire que, sa plus grande réalisation « est d’avoir su réunir une équipe engagée et talentueuse qui incarne les valeurs de l’entreprise ». C’est ce qui est à l’origine du vrai succès de Bisson Expert.

 

Rédaction : Jean-Philippe Nadeau Marcoux

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